I
BRÈVE ESCALE

Même dans l’ouest de d’Angleterre, l’été 1801 se montra exceptionnellement beau, ciel bleu et grand soleil. A Plymouth, en ce matin étincelant de juillet, la lumière était si vive que les bâtiments qui semblaient recouvrir entièrement les eaux de l’Hamoaze jusqu’au Sound dansaient et brillaient comme pour estomper la tristesse des ponts, les cicatrices de ceux qui avaient connu de si furieux combats.

Un joli petit canot qui passait délibérément sous la poupe d’un gros trois-ponts évita adroitement une lourde allège chargée à ras bord de grandes futailles et de tonnes à eau. Les avirons peints en blanc montaient et descendaient en cadence, l’armement, soigneusement mis de chemises à carreaux et de chapeaux en toile cirée, signalait un officier de haut rang et un bosco qui savait son métier. Ledit bosco surveillait attentivement la circulation des autres embarcations qui sillonnaient le port, mais toute son attention était concentrée sur son passager, le capitaine de vaisseau Thomas Herrick, qu’il venait de prendre au bout de la jetée.

Herrick était parfaitement conscient de l’inquiétude qu’il suscitait chez son bosco, aussi bien que de celle de l’armement. Elle se manifestait par le soin que les hommes mettaient à éviter son regard tout en tirant sur le bois mort pour faire progresser le canot à la façon d’une araignée d’eau.

Il arrivait de chez lui dans le Kent, le voyage avait été long et fatigant. Plus il approchait de Plymouth, plus il se préoccupait de ce qu’il allait y trouver.

Son bâtiment, un soixante-quatorze baptisé Benbow, était venu y faire relâche moins d’un mois plus tôt. On avait peine à croire que trois mois avaient déjà passé depuis ce combat meurtrier, ce que l’on appelait désormais la bataille de Copenhague. Leur petite escadre côtière, dont le Benbow était bâtiment amiral, s’était comportée avec brio. Tout le monde le disait, la Gazette avait souligné que, sans leurs efforts, les choses auraient fort bien pu prendre un cours très différent.

Herrick se retourna sur son banc et poussa un soupir. Il ne remarqua pas l’homme qui donnait la cadence et qui évita son regard, il ne voyait d’ailleurs personne. Herrick avait quarante-quatre ans, il avait gravi un à un les échelons qui l’avaient amené à sa situation actuelle sans bénéficier du moindre appui. Il avait déjà tout entendu sur ce sujet et détestait les gens qui parlent d’un combat naval comme s’il s’agissait d’un jeu avec arbitre.

Ces sortes de gens n’avaient jamais assisté à un carnage, n’avaient jamais vu ces corps désarticulés, ces hommes rendus fous après chaque engagement. Le fouillis des cordages, les morceaux de bois déchiquetés, les espars qu’il fallait déblayer sans que l’on sache si on allait pouvoir refaire de ce tas d’épaves un navire apte à retourner au combat.

Il jeta un coup d’œil au mouillage débordant d’activité. Des bâtiments avitaillaient, d’autres étaient en réparation. Il s’arrêta un instant sur une frégate légère démâtée et qui se tenait haut perchée au-dessus de son reflet. Elle n’avait pas encore reçu son armement d’hommes et d’artillerie et flottait là au bout de ses aussières, près de la rampe de lancement. On venait de la mettre à l’eau. Il aperçut des mains qui faisaient des signes, des coiffures que l’on agitait, les pavillons pleins de couleurs tendus près des sabords. On eût dit un jeune poulain tout fringant.

Herrick fronça le sourcil. Après huit ans de cette guerre interminable contre la France et ses alliés, ils manquaient toujours désespérément de frégates. A quoi était-elle destinée, celle-ci ? Qui allait la commander, pour quelle gloire ou pour quelle infamie ?

Herrick se retourna pour observer le jeune enseigne qui était venu l’accueillir avec le canot. Il avait dû embarquer pendant qu’il était dans le Kent. L’officier était pâle, encore très jeune, il semblait manquer d’assurance au point que Herrick l’aurait mieux vu dans la peau d’un aspirant que dans celle d’un enseigne. La guerre en avait tant emporté que la flotte semblait désormais armée par des gamins et des vieillards. Inutile de lui poser la moindre question, il était littéralement terrifié.

Il se retourna vers son bosco aux épaules carrées, occupé à se faufiler sous un boute-hors qui surmontait une figure de proue éblouissante.

L’enseigne ou ce qui en tenait lieu, tremblant de tous ses membres, l’avait donc accueilli à la jetée, s’était décoiffé avant d’annoncer d’un seul trait : « L’officier en second vous présente ses respects, commandant, et me dit de vous prévenir que l’amiral est à bord. »

Dieu soit loué, le second avait été là pour l’accueillir, se dit Herrick. Mais que faisait donc à bord le contre-amiral Richard Bolitho, un officier sous les ordres duquel il avait servi sur toutes les mers ?

Il le revoyait sans peine dans ces derniers instants passés sous Copenhague. La fumée, le fracas terrifiant des espars qui tombent, le tonnerre des pièces, Bolitho debout, là, qui leur faisait de grands gestes, qui les dirigeait, qui les entraînait avec toute la détermination dont il était capable. Cela dit, Herrick, qui gardait au plus profond de lui-même la fierté d’être son meilleur ami, savait tout ce que cela dissimulait de doutes, d’angoisses, d’excitation devant les défis. Mais aussi son désespoir, si toutes ces vies devaient être sacrifiées en vain.

Le retour au pays aurait pourtant dû être bien différent de tout ce qu’il avait connu jusqu’alors. Cette fois-ci, une femme l’y attendait, une jolie femme qui pouvait et désirait remplacer ce que Bolitho avait tant chéri avant de le perdre. Bolitho était allé à Londres, à l’Amirauté, avant de s’en retourner chez lui en Cornouailles, dans la grande maison grise de Falmouth.

Le canot entama sa dernière ligne droite et Herrick retint son souffle en voyant son vaisseau émerger au milieu des autres bâtiments à l’ancre. Le tableau noir et massif luisait de tous ses feux au soleil comme pour l’accueillir. Seul un marin, et davantage encore son capitaine, était à même de discerner sous la peinture fraîche et la poix le gréement enduit de noir et les voiles soigneusement ferlées. La grosse coque du Benbow était comme encerclée par les allèges et les radeaux. L’air tremblait du fracas des marteaux et des scies. Tandis qu’il admirait le spectacle, une grosse glène de cordage monta dans la hune du mât d’artimon, celui-là même qui avait été abattu pendant le combat. Mais le Benbow était tout neuf, il avait la puissance de deux vaisseaux de conception plus ancienne. Il avait grandement souffert mais était sorti du bassin, et dans un délai de deux mois il reprendrait la mer avec son escadre. En dépit de son naturel inquiet, Herrick était heureux et fier de ce qu’ils avaient réalisé. Fait comme il était, il ne lui venait jamais à l’esprit que la plus grosse part de cette réussite était également due à son propre talent et aux efforts incessants qu’il avait fournis pour remettre le Benbow en état de reprendre la mer.

Il arrêta un instant ses yeux sur le bas mât d’artimon auquel était frappé le pavillon qui flottait mollement au vent. La marque d’un contre-amiral de la Rouge, mais elle signifiait bien davantage pour Herrick. En tout cas, il avait pu partager ses impressions avec Dulcie, sa jeune épouse. Herrick était marié depuis très peu de temps et venait d’accorder quatre jours plus tôt à Maidstone la main de sa sœur à cette grande perche de George Gilchrist, lieutenant de vaisseau. Ce jour-là, il avait eu l’impression que cela faisait une éternité. Il se mit à sourire tout seul à cette pensée, égayant ainsi un visage habituellement sévère : lui, conseiller matrimonial !

Le brigadier se leva et mâta sa gaffe.

Tandis que Herrick rêvassait, le canot était arrivé sous le Benbow qui le dominait de toute sa masse. Il distinguait les réparations du bordé, la peinture recouvrant les traces du sang qui avait dégueulé par les dalots. On eût dit que ce n’était pas l’équipage mais le bâtiment lui-même qui avait versé son sang.

Lève-rames ; Tuck, le bosco, se découvrit. Leurs regards se croisèrent et Herrick lui fit un bref sourire.

— Merci, Tuck, jolie manœuvre.

Ils se comprenaient.

Herrick leva les yeux vers la coupée et se prépara, pour la centième fois peut-être. Dans le temps, il avait cru qu’il ne dépasserait jamais le grade de lieutenant de vaisseau. Puis il avait franchi le seuil qui sépare le carré de la dunette et à présent il était capitaine de pavillon de l’un des meilleurs officiers vivants. Cela, il avait encore plus de mal à l’admettre.

Il en était de même pour sa nouvelle maison dans le Kent. Non pas une chaumière, une vraie maison, avec un amiral et plusieurs riches marchands pour voisins. Dulcie l’avait rassuré :

— Rien n’est même assez beau pour vous, cher Thomas. Vous avez travaillé pour l’avoir, vous méritez bien mieux.

Herrick soupira : de toute manière, la plus grosse partie de l’argent était à elle. Mais comment avait-il fait pour être aussi verni, pour trouver sa Dulcie ?

— Fusiliers ! Gaaarde à vous !

Un nuage de poussière s’éleva au-dessus des visages impassibles et des shakos noirs, les mousquets claquèrent au présentez-armes, l’air commença de résonner des trilles de sifflets de manœuvre. Herrick se découvrit, salua la dunette puis Wolfe, son robuste second. Un homme sans doute assez incongru, mais certainement l’un des meilleurs marins que Herrick eût jamais rencontrés.

Le vacarme retomba, Herrick observait la garde avec une certaine tristesse. Il y avait tant de visages inconnus avec lesquels il allait devoir se familiariser. Pour l’instant, il ne voyait que ceux qui étaient morts au combat ou qui souffraient les misères et l’humiliation de quelque hôpital maritime.

Mais le major Clinton, des fusiliers, était présent. Derrière son épaule couverte de tissu écarlate, Herrick aperçut le vieux Ben Grubb, son maître pilote. Il avait bien de la chance d’avoir encore quelques hommes amarinés pour s’occuper de constituer un équipage avec les recrues et ce que la presse avait racolé.

— Eh bien, Wolfe, peut-être pouvez-vous m’expliquer pourquoi la marque de l’amiral est frappée…

Il avança avec l’officier à qui deux grandes mèches qui s’échappaient de dessous sa coiffure faisaient comme deux voiles au vent. On aurait dit qu’il ne s’était pas absenté, que le bâtiment l’avait englouti et que le rivage, ses maisons chatoyantes, les batteries et leurs meurtrières n’avaient plus la moindre importance.

— L’amiral est monté à bord hier après-midi, commandant, lui répondit Wolfe de sa grosse voix placide – il tendit le poing en direction d’un tas de drisse roulée en glène. Mais qu’est-ce que c’est que ce foutu tas de merde ? – il se détourna du marin littéralement tétanisé et aboya : Monsieur Swale, notez le nom de cet imbécile ! J’appelle ça un tisserand, moi, pas un marin ! La plupart des nouveaux embarqués sont comme ça, ajouta Wolfe en reprenant son souffle. Du ramassis de cour d’assises, avec une pincée d’hommes entraînés – il se frotta le nez. J’l’ai fait débarquer d’un navire de la Compagnie des Indes. Ils disaient qu’ils étaient dispensés de servir à bord des vaisseaux du roi. Ils disaient qu’ils avaient des papiers pour le prouver.

Herrick esquissa un sourire :

— Mais leur navire avait appareillé avant que vous ayez eu le temps de tirer leur affaire au clair, monsieur Wolfe, n’est-ce pas ?…

Tout comme son second, Herrick éprouvait fort peu de sympathie envers tous ces marins de valeur qui étaient dispensés de servir dans la marine pour cette seule raison qu’ils étaient employés par la Compagnie ou par quelque autorité portuaire. L’Angleterre était en guerre, il leur fallait des marins, pas des estropiés ni des criminels. Les choses étaient chaque jour plus difficiles, Herrick avait même entendu dire que les détachements de presse et les intrépides escouades de rafle opéraient désormais à plusieurs milles de la côte.

Il leva les yeux vers le grand mât qui les dominait de toute sa hauteur, dans un fouillis invraisemblable d’apparaux et de vergues croisées. Il était facile de se remémorer la fumée, les voiles constellées de trous, les fusiliers perchés dans la grande hune, qui hurlaient, rugissaient, faisant feu de leurs pierriers et mousquets dans un monde devenu fou.

Ils atteignirent enfin l’abri de la poupe et sa fraîcheur et durent se baisser pour éviter les barrots.

— L’amiral est venu seul, commandant, reprit Wolfe – il hésita, comme pour éprouver leur degré d’intimité : Je pensais qu’il allait peut-être amener cette dame.

Herrick se tourna vers lui, l’air grave. Wolfe était un homme rude, violent, et qui avait servi à bord de tout ce qui flottait, du négrier au brick charbonnier. Ce n’était pas le genre d’homme à supporter les fainéants ni à se laisser aller à la moindre faiblesse. Mais c’était également une vraie commère.

— Je l’espérais aussi, fit simplement Herrick. Mon Dieu, si jamais quelqu’un a bien mérité ou a eu besoin de…

La fin de sa phrase se perdit lorsque le fusilier de faction devant la grand-chambre fit claquer la crosse de son mousquet sur le pont et annonça en beuglant :

— Capitaine de pavillon, amiral !

Wolfe se détourna pour dissimuler un sourire : sacrés cabillots, va !

Le petit Ozzard ouvrit doucement la porte. C’était le domestique personnel de Bolitho. Un homme assez bizarre. Bon domestique au demeurant, mais dont on racontait qu’il avait été un excellent clerc de notaire avant de s’enfuir et de s’engager dans la marine pour échapper à un procès, ou, comme d’aucuns le prétendaient, à la corde du gibet.

La grand-chambre, isolée de la chambre à coucher et de la salle à manger par des portières de toile, venait d’être repeinte et on ne devinait même plus les traces qu’y avait laissées la bataille.

Bolitho était penché à la fenêtre de poupe et, lorsqu’il se retourna pour accueillir son ami, Herrick se sentit soulagé : apparemment, il n’avait pas changé. Sa redingote d’amiral aux galons dorés était jetée sur une chaise, il était en pantalon et en chemise. Ses cheveux noirs, dont une mèche rebelle lui couvrait l’œil droit, son large sourire faisaient plutôt penser à un lieutenant de vaisseau qu’à un officier général.

Ils se serrèrent longuement la main, revoyant en un éclair tous leurs vieux souvenirs.

— Du vin, Ozzard ! demanda Bolitho – et, tirant un siège pour Herrick : Asseyez-vous, Thomas. Quel plaisir de vous voir !

Il fixa longuement son ami de ses grands yeux gris. Herrick avait pris du poids, son visage s’était un peu empâté, ce devaient être la cuisine et les petits soins de sa jeune épousée. Quelques cheveux gris parsemaient sa chevelure, comme la gelée blanche se dépose sur les buissons. Mais ses yeux bleu clair qui savaient se montrer si entêtés ou si tristes étaient restés les mêmes.

Ils trinquèrent et Bolitho reprit :

— Quel est votre état de préparation, Thomas ?

Herrick faillit en renverser son verre. Préparation ? Un mois passé au port, deux grosses unités de l’escadre perdues au combat ! Même leur plus petit deux-ponts, le vieil Odin, un soixante-quatre commandé par Inch, n’avait réussi qu’à grand-peine à se réfugier dans le Nord. Il enfonçait jusqu’au plat-bord. Ici même, à Plymouth, L’Indomptable et le Nicator, deux soixante-quatorze comme le Benbow, subissaient encore de grosses réparations. Il commença, un peu réticent :

— Le Nicator sera bientôt prêt à reprendre la mer, amiral. Le reste de l’escadre devrait être paré en septembre, si nous arrivons à arracher un peu d’aide à ces forbans de l’arsenal.

— Et le Styx ?

A l’instant même où il l’interrogeait sur le sort de la dernière frégate de l’escadre, Bolitho vit une ombre passer dans le regard de son ami. Ils avaient perdu leur autre frégate et une corvette, balayées, effacées comme des traces de pas dans le sable par le flot.

Herrick laissa Ozzard remplir son verre avant de répondre.

— Les gens du Styx travaillent jour et nuit, amiral. Le commandant Neale donne l’impression de faire accomplir des miracles à ses hommes… Je rentre tout juste du Kent, amiral, mais je vous ferai un rapport complet avant la fin du jour, ajouta-t-il comme pour s’excuser.

Bolitho se leva, comme si son siège ne pouvait contenir son impatience.

— Le Kent ? – il lui fit un sourire. Pardonnez-moi, Thomas, j’avais oublié. Je suis trop obnubilé par mes propres problèmes pour avoir songé à vous demander comment s’était passé votre voyage. Alors, ce mariage, comment était-ce ?

Tandis que Herrick lui racontait les événements dont le point culminant avait été le mariage de sa sœur avec son ancien second, Bolitho pensait à autre chose…

Lorsqu’il était retourné à Falmouth après la bataille de Copenhague, il avait connu un bonheur, une béatitude qu’il n’aurait pas crus possibles. Avoir survécu était une chose. Retrouver la demeure des Bolitho avec Adam Pascœ, son neveu, et John Allday, son domestique et ami, cette félicité avait été portée à son comble par la présence de la jeune femme qui l’y attendait. Belinda. Il avait encore du mal à prononcer son nom sans ressentir une certaine frayeur, la crainte que ce ne fût qu’un autre rêve, une ruse destinée à le faire retomber dans la dure réalité.

L’escadre, la bataille, tout cela semblait bien fade alors qu’ils visitaient la maison comme des étrangers. Ils avaient commencé à échafauder des plans, ils s’étaient promis de ne pas gaspiller une minute de ces instants où Bolitho n’était pas appelé par ses devoirs.

On entendait même des rumeurs de paix prochaine. Après toutes ces années de guerre, de blocus, de morts violentes, certains disaient que des négociations secrètes avaient lieu entre Londres et Paris pour mettre fin aux combats, pour obtenir un répit sans attenter à l’honneur des deux parties. Dans le petit monde de rêve où vivait désormais Bolitho, même cela lui paraissait désormais possible.

Mais, au bout de deux semaines, un courrier lui était arrivé de Londres avec ordre de se rendre à l’Amirauté pour rencontrer son vieux supérieur et mentor, l’amiral Sir George Beauchamp, celui qui lui avait confié le commandement de l’escadre côtière.

Pourtant, Bolitho n’avait vu dans la dépêche apportée par le courrier que le cours normal des choses.

Belinda l’avait accompagné jusqu’à la voiture, les yeux pleins de rire. Il sentait son corps tiède contre le sien tandis qu’elle lui racontait ses projets, ce qu’elle comptait préparer pour leur mariage pendant qu’il serait à Londres. Elle pensait demeurer chez le seigneur du lieu jusqu’à la cérémonie, car il se trouve toujours de mauvaises langues dans un port comme Falmouth et Bolitho ne voulait pas que quoi que ce fût vint salir leur belle histoire. Il n’aimait pas ledit seigneur, Lewis Roxby, il ne l’aimait même pas du tout et ne parvenait toujours pas à comprendre ce que sa sœur Nancy avait pu lui trouver lorsqu’elle l’avait épousé. Mais on pouvait lui faire confiance pour la distraire et lui trouver de l’occupation, entre les chevaux, ses domaines tentaculaires, ses fermes et ses villages.

Dans son dos, les domestiques de Roxby l’appelaient le Roi de Cornouailles.

Bolitho avait ressenti un véritable choc lorsqu’on l’avait introduit dans le cabinet de l’amiral Beauchamp. L’amiral avait toujours été un homme chétif et malingre, écrasé tant sous le poids de ses épaulettes et de ses galons dorés que par l’énorme responsabilité qui pesait sur lui et par l’inquiétude qui le prenait chaque fois qu’un bâtiment de guerre appareillait pour le service du roi. Recroquevillé devant sa table de travail jonchée de papiers, Beauchamp n’avait même pas eu la force de se lever pour l’accueillir. La soixantaine passée, il avait l’air d’avoir cent ans et seul son regard avait conservé son éclat et sa vivacité. « Je ne vais pas abuser de votre temps, Bolitho, vous n’en avez guère et le mien est compté. »

On avait l’impression que chaque heure, chaque souffle le rapprochaient de la tombe. Bolitho était ému et fasciné par l’intensité de ce que disait ce petit homme, par l’enthousiasme qui avait toujours été la principale de ses qualités. « Votre escadre s’est comportée au-delà de tout éloge. » Sa main, crispée comme une griffe, grattait au milieu des papiers répandus sur son bureau. « De braves gens sont morts, mais d’autres se lèvent pour les remplacer. » Il hochait la tête, comme si les mots même étaient trop lourds à supporter. « Je vous demande beaucoup, trop sans doute, je ne sais. Vous avez entendu parler de ces pourparlers de paix ? » Ses yeux perçants réfléchissaient la lumière du soleil qui entrait par les grandes fenêtres, on eût dit des lampions dans un crâne. « Ces rumeurs sont exactes. Nous avons besoin de cette paix, une paix mâtinée d’une touche convenable d’hypocrisie, qui nous donnera un répit, le temps de souffler avant la confrontation finale.

— Mais vous ne leur faites pas confiance, amiral ? avait demandé calmement Bolitho.

— Je ne leur ferai jamais confiance », avait-il répondu d’une voix dans laquelle il mettait sa dernière énergie, si bien qu’il s’était tu un bon moment avant de poursuivre : « Les Français vont nous contraindre à un maximum de concessions avant de consentir à un accord. Pour les obtenir, ils concentrent déjà dans leurs ports des chaloupes de débarquement et des bâtiments de transport, ils préparent des troupes et de l’artillerie pour les garnir. Bonaparte espère nous effrayer et négocier des conditions intéressantes à son seul profit. Lorsqu’il aura pansé ses blessures, lorsqu’il aura de nouveau fait le plein de ses bâtiments et de ses régiments, il déchirera ce traité et nous attaquera. Cette fois-ci, il n’y aura pas de seconde chance. »

Après un silence, Beauchamp avait continué d’une voix lasse : « Il nous faut donner confiance à notre peuple, lui montrer que nous sommes capables d’attaquer aussi bien que de nous défendre. C’est le seul moyen de rendre la partie plus équitable. Pendant des années, nous avons contraint les Français à rester au port ou à se rendre. Blocus, patrouilles, combats en ligne de bataille ou combats singuliers, c’est sous ce jour que notre marine s’est montrée. Bonaparte est un soldat, il ne comprend pas ces questions et, Dieu soit loué, il n’écoutera pas les conseils de ceux qui s’y connaissent mieux que lui. »

Sa voix était de plus en plus faible et Bolitho avait été sur le point d’aller chercher de l’aide en voyant cette silhouette affalée sur le bureau.

Mais Beauchamp, se redressant soudain, avait crié : « Nous avons besoin d’un geste. De tous les jeunes officiers que j’ai observés et guidés au long de leur carrière, vous êtes l’un de ceux qui ne m’ont jamais fait défaut. » Il avait pointé un index émacié, et Bolitho s’était souvenu de l’homme qu’il avait connu, lors de leur première rencontre. « Enfin, je veux dire, pas pour ce qui concerne le service, en tout cas.

— Je vous remercie, amiral. »

Beauchamp ne l’avait pas entendu. « Mettez à la mer tous les bâtiments que vous pourrez y mettre. J’ai rédigé vos ordres, vous allez prendre le commandement des forces de blocus devant Belle-Ile. Vous aurez de nouveaux bâtiments à votre convenance dès que mes ordres aux majors des ports leur seront parvenus. » Il fixait Bolitho d’un regard qui ne cillait pas. « J’ai besoin de vous à la mer. Dans le golfe de Gascogne. Je sais que je vous demande beaucoup, mais je vous ai donné tout ce dont je disposais. »

De retour dans sa chambre du Benbow, Bolitho revoyait tout cela, la pièce de l’Amirauté avec ses hauts plafonds, les belles voitures que l’on apercevait par les fenêtres, les robes brillantes, les uniformes écarlates.

Il revint à la conversation :

— L’amiral George Beauchamp m’a donné l’ordre de prendre la mer, Thomas. Pas de discussions, exécution séance tenante. Les travaux inachevés, les problèmes d’équipage, les pleins de poudre et de boulets, je veux tout savoir jusqu’au moindre détail. Je suggère de réunir les commandants et je vais faire un brouillon pour le commandant Inch. Il faudra l’envoyer immédiatement par courrier à son bord, à Chatham.

— Cela semble urgent, amiral, fit Herrick en le fixant dans les yeux.

— Je… je n’en suis pas sûr.

Bolitho se souvenait de ce que Beauchamp lui avait dit : « J’ai besoin de vous à la mer. » Il voyait que Herrick avait l’air troublé.

— Désolé de venir déranger votre bonheur tout neuf de cette manière – il haussa les épaules. Et en plus, pour aller dans le golfe de Gascogne !

— Lorsque vous êtes retourné à Falmouth, amiral… ? demanda doucement Herrick.

Bolitho s’était tourné vers les fenêtres de poupe et observait un bateau de charge local qui se dirigeait vers le tableau du Benbow. De la nourriture et des boissons, qu’il allait falloir examiner sérieusement et pour lesquelles il avait fallu se battre. Les petits luxes de la vie de marin.

— La maison était vide. C’est ma faute ou ce n’est celle de personne. Belinda était partie avec ma sœur et son mari. Mon beau-frère voulait lui montrer la nouvelle propriété qu’il vient d’acquérir dans le pays de Galles.

Il se retourna brusquement, incapable de contenir son amertume, son dépit.

— Après cette campagne de la Baltique, après l’enfer que nous avons connu devant Copenhague, qui aurait cru que je devrais reprendre la mer au bout de quelques semaines à peine ?

Il balaya des yeux la chambre toute calme à présent comme s’il se remémorait les bruits de la bataille, les hurlements désespérés des blessés, les rugissements de joie des Danois qui étaient montés à l’abordage à travers ces mêmes fenêtres de poupe, avant de périr sur les baïonnettes du major Clinton.

— Comment va-t-elle prendre la chose, Thomas ? Que signifient des mots comme devoir ou honneur pour une femme qui a déjà donné et perdu tant de choses ?

Herrick l’observait, osant à peine respirer. Il imaginait exactement la scène : Bolitho se hâtant vers Falmouth, préparant déjà ses excuses, la manière dont il lui expliquerait les devoirs qu’il avait envers Beauchamp, même si tout cela devait se révéler inutile.

Beauchamp avait sacrifié sa santé pendant la guerre contre la France. Il avait choisi de jeunes officiers pour remplacer les anciens, dépassés par une guerre qui défiait l’imagination.

Il avait offert à Bolitho sa chance de commander une escadre. Et à présent, il était en train de mourir, en laissant sa tâche inachevée.

Herrick connaissait Bolitho mieux encore qu’il ne se connaissait lui-même. Ainsi, voilà pourquoi Bolitho était revenu à bord ! La demeure était vide, il n’avait aucun moyen d’expliquer à Belinda Laidlaw ce qui avait été décidé.

— Elle va me détester, Thomas. Quelqu’un d’autre aurait dû partir à ma place. Il y a des contre-amiraux à ne savoir qu’en faire, surtout s’ils sont jeunes. Mais qui suis-je donc ? Une espèce de dieu ?

— Mais non, répondit Herrick en souriant, elle ne pensera rien de tout cela et vous le savez très bien ! Nous le savons tous deux.

— C’est vrai ? – Bolitho passa derrière lui et lui mit la main sur l’épaule, comme pour se rassurer lui-même. Je voulais rester, mais je me devais de répondre à l’appel de Beauchamp. Je lui dois tant !

Les choses s’étaient passées comme dans ce vieux rêve qu’il avait fait : la maison vide à l’exception des serviteurs, le mur le long de la mer décoré de fleurs où bourdonnaient des insectes. Mais les acteurs principaux n’étaient plus là pour en profiter. Même Pascœ était parti, et cela n’en était que plus irritant. Il avait reçu l’ordre d’embarquer à bord d’un autre bâtiment quelques heures après le départ de Bolitho pour Londres.

Il en souriait pourtant, alors qu’il rongeait son frein. La marine manquait désespérément d’officiers expérimentés. Adam Pascœ, de son côté, n’avait qu’une hâte : saisir la première occasion qui lui permettrait d’atteindre son but, commander un bâtiment. Bolitho essayait de chasser toute inquiétude de ses pensées. Adam venait d’avoir vingt et un ans, il était prêt, il fallait cesser de se faire du souci pour lui.

On entendit de l’autre côté de la porte la voix étouffée du factionnaire :

— Le domestique de l’amiral, amiral !

Allday entra, salua Bolitho d’un large sourire, puis fit un signe de tête chaleureux à Herrick :

— Capitaine de vaisseau Herrick, bonjour, commandant !

Il posa un gros sac de toile sur le pont.

Bolitho enfila sa vareuse puis laissa Ozzard arranger son catogan par-dessus le col galonné d’or. Il s’était passé un seul événement heureux dans tout cela, et il l’avait oublié.

— Je vais transférer ma marque sur le Styx, Thomas. Plus tôt j’aurai pris contact avec les autres bâtiments au large de Belle-Ile, mieux je me porterai.

Il tira de l’intérieur de sa vareuse une grande enveloppe et la tendit à Herrick, qui se demandait ce qui se passait.

— De la part de Leurs Seigneuries, Thomas. Ceci prend effet à compter de demain à midi.

Il fit un signe de tête à Allday, qui étala sur le pont comme un tapis une grande marque rouge vif.

— Vous, capitaine de vaisseau Herrick, du vaisseau de Sa Majesté Benbow, prendrez rang et fonctions de commodore par intérim de cette escadre et vous en assumerez les responsabilités, conformément aux devoirs attachés à votre rang.

Il déposa l’enveloppe dans la paume tannée de Herrick et lui serra vigoureusement l’autre main :

— Mon Dieu, Thomas, je me sens un peu mieux quand je vois votre tête !

Herrick avait du mal à avaler :

— Moi, amiral ? Commodore ?

— C’est bien normal, commodore, fit Allday avec un large sourire.

Herrick fixait, toujours incrédule, la grande marque rouge étalée à ses pieds.

— Et j’aurai mon capitaine de pavillon à moi ? Qui, enfin, je veux dire, quoi…

Bolitho ordonna qu’on leur apportât encore du vin. Il était à vif, cette impression d’échec le tenaillait, mais la vue de son ami tout confus lui mettait du baume au cœur. Ils étaient là dans leur petit monde à eux, un monde où les projets de mariage et la sécurité, les négociations de paix et l’espoir d’un futur plus calme n’avaient pas leur place.

— Je suis sûr que les dépêches qui vous arriveront de Londres vous donneront tous les détails, Thomas.

Il voyait Herrick revenir à la réalité, voilà au moins une chose que l’on apprenait dans la marine à défaut de quoi que ce fût d’autre, et on le découvrait seul de toute manière.

— Et pensez combien Dulcie sera fière de vous !

Herrick hocha lentement la tête.

— Oui, c’est vrai. Tout de même, commodore, continua-t-il en fixant Bolitho de son regard clair. J’espère que cela ne nous éloignera pas trop l’un de l’autre, amiral.

Bolitho était bouleversé et dut se détourner pour essayer de cacher son émotion. C’était bien du Herrick tout craché de réagir ainsi, au lieu de songer que c’était un dû, au lieu de se dire combien cette promotion était justifiée et au-delà. Non, il pensait en premier lieu aux conséquences pour eux deux !

Allday s’avança lentement jusqu’aux deux sabres accrochés à la cloison et qui prenaient soudain une importance démesurée. Le superbe sabre d’honneur offert par la population de Falmouth à Bolitho en reconnaissance des services rendus en Méditerranée et lors du combat d’Aboukir. L’autre, beaucoup plus terne, assez démodé mais merveilleusement équilibré, semblait fort défraîchi à côté du premier. Mais la lame du sabre d’honneur, avec ses ornementations d’or et d’argent, ne soutenait pas la comparaison avec son aînée : le sabre des Bolitho, représenté dans plusieurs des portraits de famille accrochés à Falmouth et qu’Allday avait vu plusieurs fois à l’œuvre au combat, n’avait pas de prix.

Une fois n’est pas coutume, Allday n’arrivait pas à accueillir l’ordre de prendre la mer avec son habituelle philosophie. Il n’était pratiquement pas descendu à terre, peut-être le temps d’un quart dans la soirée, et voilà qu’ils repartaient déjà. Il pestait déjà suffisamment en pensant au peu de reconnaissance qu’avait valu à Bolitho la bataille de Copenhague. Sir Richard Bolitho. Cela n’aurait été que justice.

Mais non, au lieu de cela, ces bougres de l’Amirauté avaient délibérément évité de faire ce qui eût été convenable. Tout en contemplant les sabres, il serrait son poing dans la poche. On murmurait dans toute la flotte que Nelson avait connu le même traitement, ce qui était une maigre consolation. Nelson avait soulevé leur enthousiasme à tous quand il avait fait mine de ne pas voir les signaux que lui faisait son supérieur hiérarchique pour lui ordonner de rompre le combat. Cela lui ressemblait trop, à cet homme qui avait réussi à se faire adorer du matelot, et ces amiraux qui n’avaient jamais pris la mer de leur vie exécraient son nom.

Allday soupira en songeant à la jeune femme qu’il avait aidée à sortir de sa voiture accidentée, quelques mois plus tôt. Penser que Bolitho risquait de la perdre à cause de quelques ordres malvenus, voilà qui dépassait son entendement.

— Un toast pour notre nouveau commodore, ordonna Bolitho en regardant les verres.

Le second les avait rejoints, il était obligé de courber la tête sous les barrots. Grubb, leur pilote, les jambes écartées grand pour maintenir en équilibre sa masse considérable, contemplait son verre qui ressemblait à un dé à coudre dans sa grosse main.

— Allday, venez donc ici, lui demanda Herrick. Compte tenu des circonstances, je souhaite que vous vous joigniez à nous.

Allday s’essuya soigneusement les mains sur son pantalon de nankin blanc et murmura :

— Eh bien, merci, commodore.

— A vous, Thomas ! déclara Bolitho en levant son verre. A nos vieux amis et à nos vieux bâtiments.

— Ça, c’est un bon toast, répondit Herrick dans un demi-sourire.

Allday but son verre puis disparut dans les profondeurs de la grand-chambre. Herrick l’avait invité à se joindre à eux. Mieux encore, il s’était arrangé pour que les autres le sachent. Il s’effaça derrière une porte de toile et monta sur le pont en plein jour.

Ils avaient passé bien longtemps ensemble, tous les autres n’avaient pas eu cette chance. Ils étaient de moins en moins nombreux, si bien que le poids de leurs tâches augmentait en proportion. Maintenant, la marque de Bolitho allait bientôt se montrer dans le golfe de Gascogne. De nouveaux bâtiments, un nouveau problème difficile pour l’amiral.

Mais pourquoi donc le golfe de Gascogne ? se demandait-il. Il y avait là-bas pléthore de vaisseaux et de marins qui maintenaient ce fichu blocus depuis des années, au point que les coques en étaient devenues gluantes d’herbes aussi longues que des serpents. Non, si Beauchamp ne l’avait pas ordonné ainsi et s’il avait choisi Richard Bolitho, c’est que la chose allait être rude, il ne pouvait en être autrement.

Allday s’avança en plein soleil et dut fermer un peu les yeux pour regarder la marque qui flottait à l’artimon.

— On ne m’enlèvera pas ça de l’esprit, ce devrait être Sir Richard.

Le jeune enseigne de quart fut sur le point de l’envoyer voir ailleurs, puis se souvint de ce qu’on lui avait raconté sur le domestique de l’amiral. Il se ravisa et gagna l’autre bord de la dunette.

Quand le mouillage sombra enfin dans l’obscurité, avec seulement quelques lumières mobiles et une faible lueur pour distinguer la mer du rivage, le Benbow sembla lui aussi se mettre au repos. Épuisés par un travail sans fin dans les hauts et dans les entreponts, ses hommes gisaient entassés dans leurs hamacs tels des poulpes retirés au creux de quelque caverne tranquille. Sous les hamacs alignés, les pièces reposaient gentiment derrière leurs sabords, rêvant, qui sait, des jours pendant lesquels elles avaient fait trembler l’air et bouleversé l’univers sous leur furie.

A l’arrière, dans la grand-chambre, Bolitho se tenait assis à sa table. Une lampe oscillait doucement au-dessus de lui tandis que le vaisseau tirait et halait sur ses câbles.

Pour la plupart des bâtiments de l’escadre et pour beaucoup des hommes du Benbow, son nom était célèbre, il était le chef, celui à qui ils obéissaient. Quelques-uns d’entre eux avaient déjà servi sous ses ordres et s’en montraient fiers, fiers de pouvoir lui donner le surnom qu’aucun des nouveaux embarqués ne connaissait. Dick Egalité. D’autres s’étaient fait leur propre image du jeune contre-amiral, comme si, en la magnifiant, ils pouvaient étendre leur propre immortalité et leur réputation. Ceux-là étaient peu nombreux, vraiment très peu, comme par exemple ce tout dévoué d’Ozzard, qui était aussi heureux qu’une souris dans un garde-manger, qui avait assisté aux humeurs de Bolitho le matin ou à la fin d’un coup de chien ou d’une poursuite. Ou encore, comme Allday lui-même, qui s’était retrouvé à son service alors qu’il aurait pu connaître l’humiliation et les horreurs de la presse. Herrick, tombé assoupi sur une pile de rapports signés par les autres commandants, l’avait vu de près dans les vertiges du succès coin nie dans les moments de désespoir. Mais lui, peut-être était-il encore celui qui savait le mieux qui était ce Richard Bolitho assis à sa table, la plume immobile au-dessus du papier, l’esprit vide de tout ce qui n’était pas la jeune femme qu’il laissait derrière lui.

Il écrivit soigneusement, très soigneusement :

« Ma très chère Belinda… »

 

Victoire oblige
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